« Bonjour, chers parents, aujourd’hui, on va parler de santé »

Article : « Bonjour, chers parents, aujourd’hui, on va parler de santé »
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6 janvier 2020

« Bonjour, chers parents, aujourd’hui, on va parler de santé »

Si vous êtes un habitué des transports en commun (gbaka, bus, car de transport) en Côte d’Ivoire, vous avez plus ou moins déjà entendu cette phrase : « chers parents, bonjour, aujourd’hui nous allons parler de santé ». Pour vous cela est presque devenu une habitude. Ce que vous ne savez peut-être pas, c’est que cette phrase est déjà nocive pour votre santé en plus d’être illégale. Eh oui !

Qu’est ce qui se passe ?

Un tour dans la ville d’Abidjan, dans les gares routières, les terminaux de bus et même dans les rues, vous ne pouvez pas passer une seule journée sans tomber sur ces ange-gardiens de la santé. Ces « docteurs », « pharmaciens », « spécialistes », « naturothérapeutes » et autres « connaisseurs » qui font la promotion des vertus curatives et même miraculeuses de leurs produits de santé. Tout y passe, tout se soigne et surtout très facilement. Ce sont soit des « secrets de grands-parents », des « résultats d’années de recherches » ou simplement « des découvertes de plantes miraculeuses, utilisées par nos ancêtres et que nous avons délaissées au profit de la médecine dite conventionnelle ». Et les phrases pour vous appâter ne manquent pas :

  • Nos parents d’avant n’avaient pas accès aux hôpitaux mais vivaient plus longtemps que nous ;
  • les animaux ne vont pas à l’hôpital mais se soignent par la nature (biche ou humain, même combat…) ;
  • Dieu a créé la nature pour la mettre au service de l’homme afin qu’il se nourrisse et se soigne avec ;
  • les médicaments occidentaux sont faits à base de nos plantes alors pourquoi nous qui avons les plantes mourrons pour rien ? (j’essaie encore de trouver la plante d’où est extraite l’Efferalgan) ;
  • la santé n’a pas de prix ;
  • etc.

Et je peux vous assurer que ça marche. Après un one-man-show de quelques minutes, ils sont nombreux à ouvrir leur porte-monnaie pour s’arracher ces panacées qui sont très souvent à des prix défiant toute concurrence. Et quand vous faites une comparaison entre le prix de ces « médicaments miraculeux » et la « quantité de mal qu’ils soignent », il faut vraiment « être incrédule » pour ne pas se laisser avoir ! Certains « médicaments » soignent à la fois les règles douloureuses, les pertes blanches, l’érection molle, l’hypertension, l’hypotension, la cataracte, le kohoko, les fibromes… et j’en passe ! Et cela devient encore plus difficile de ne pas payer pour sa santé quand de pseudo-témoins des effets curatifs des ces miracles de santé viennent raconter leur histoire de « façon spontanée ». La santé court les rues d’Abidjan. Il ne tient qu’à vous de vous soigner pour « un rien ».

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Santé publique en danger ?

D’abord, selon l’article 2 de l’arrêté N°0078/MSHP/CAB du 14 Mars 2017 portant modalité de création, de cession, de rachat et de transfert d’une officine privée, pour être considéré comme établissement parmaceutique, il faut être titulaire d’un diplôme d’Etat de docteur en pharmacie ou d’un diplôme de pharmacien reconnu équivalent et authentifié, être inscrit à l’Ordre National des Pharmaciens de Côte d’Ivoire et surtout justifier d’un minimum de cinq ans d’ancienneté dans l’exercice de la profession pharmaceutique, sauf en cas de succession après décès.

Malheureusement, aucun de ses « docteurs autoproclamés » ne peut justifier de ces conditions. Notre santé dépend donc de gens qui violent la loi.

Ensuite, « toute publicité portant sur un produit de santé est subordonnée à une autorisation administrative de commercialisation délivrée par le Ministre chargé de la santé » et à « l’avis de l’organisme national chargé du secteur de la publicité », article 4 du décret N°2016-717 du 14 septembre 2016, portant réglementation de la publicité des médicaments, des autres produits de santé et des établissements pharmaceutiques. Bizarrement, aucun de ces individus n’a jamais montré aucune de ses autorisations ou avis. Et d’ailleurs, nous ne l’avons jamais demandé puisque très peu de personne le savent. Et quand bien même vous le saurez et que vous vouliez engager le débat, certains vous diront que vous voulez faire l’intéressant et empêcher un père de famille de nourrir sa progéniture. Ils oublient que ce père de famille nourrit sa progéniture au mépris de la santé d’autres pères et mères de famille.

Encore, l’article 5 du décret précédent va plus loin. On se rend compte que nous sommes face à de véritable dealers. En effet, l’article interdit toute publicité tendant à :

  • faire apparaitre l’acte médical comme superflu notamment en offrant un diagnostic ou un traitement par correspondance ;
  • suggérer que l’effet du produit de santé est acquis, sans effet indésirable ou doté d’une quantité supérieure ou égale à celle d’un autre produit de santé (les comparaisons par ses vendeurs de santé ne manquent pas) ;
  • indiquer que l’état de santé normal peut être amélioré par l’utilisation de ce produit de santé (c’est pourtant ce qui est fait chaque fois) ;
  • assimiler le produit de santé à une denrée alimentaire (la majorité des produits sont à mélanger à ces aliments) ;
  • suggérer qu’un état normal peut être affecté en cas de non-utilisation de ces produits de santé ;
  • se référer à des attestations de guérison (les témoignages ne manquent pas) ;
  • insister sur le fait que le médicament a obtenu une autorisation administrative de commercialisation délivrée par le Ministère chargé de la santé (dans notre cas, le médicament non, mais l’organisme à l’origine du médicament est soi-disant reconnu sans jamais nous en montrer la preuve en dehors de contact et de la situation géographique).

L’article 9 du même décret stipule que « toute publicité de produits de santé auprès du public est interdite sauf dérogation spéciale accordée par le Ministre chargé de la Santé après avis de l’organisme national chargé du secteur de la publicité ». Et pourtant la pub nous est faite chaque jour et partout sans qu’aucun document attestant dérogation ne soit montré.

Enfin, la loi N°2017-541 du 03 aout 2017 relative à la régulation du secteur pharmaceutique dispose largement sur les conditions de fabrication, d’homologation et de vente des produits pharmaceutiques. Ainsi, un article retient particulièrement l’attention du lecteur. Il s’agit de l’article 18 qui dit : « aucun produit pharmaceutique ne peut être mis sur le marché à titre gratuit ou onéreux en Côte d’Ivoire, s’il n’a au préalable obtenu une Autorisation de Mise sur le Marché, en abrégé AMM ». Or, dans le domaine, rare sont ceux qui peuvent attester de cette autorisation.

En sommes, ne serait-ce qu’en prononçant la phrase « Chers parents bonsoir, aujourd’hui nous allons parler de santé » et en proposant des « médicaments » à la publicité puis à la vente, ce n’est pas moins d’une dizaine d’article de réglementation et de décret qui sont violés par ses « docteurs ». D’autres, pour se soustraire à toute cette réglementation préfèrent se prévaloir du titre de naturothérapeute. Bien que cela ne les en dispense pas. Et quand bien même qu’on veille leur accorder ce titre, on se rend vite compte que même là encore, il y a violation de la loi.

Violation de loi ou problème de santé ?

A la lecture de toute ces règles non-respectées, on est tout de suite tenté de dire mais il s’agit de lois qui sont violées et non de mise en danger de la santé d’autrui. Si cela vous venait à l’esprit, eh bien chassez très vite cette pensée. Le législateur a mis toute cette réglementation de sorte à ce que chaque médicament mis sur le marché et consommé respecte des normes de santé nationales et internationales, connues et reconnues. Et le médicament que vous consommez ne respecte aucune de ses normes, d’où sort-il donc ?

Ce qui parait le plus difficile à comprendre, c’est le fait que ce phénomène de vente de « médicaments » se pratique en public, au vu et au su de tous. On arrive même à se dire souvent (à tort ou à raison) que ces vendeurs (et non pharmaciens) ont signé un partenariat avec la Société publique de Transport Abidjanais (SOTRA), vu le degré d’utilisation de ses véhicules par ses « médecins ambulants ». Quant aux compagnies privées de transport, chaque utilisation est moyennant un pécule pour le chauffeur ou la structure vu la mise à disposition de certaines commodités. C’est donc un phénomène que tout le monde sait, le législateur aussi. Mais rien n’est fait. Et pourtant les campagnes de lutte contre les faux médicaments (pas ceux-là) ne manquent pas. Donc, on semble attendre qu’un drame arrive au lieu de l’anticiper et d’agir.

Vous êtes responsables de votre santé !

On ne le dira jamais assez, votre santé dépend de vous. Par conséquent, si le régulateur ignore le phénomène, rien ne nous oblige, vous, à acheter ces médicaments de rue. Si la contrefaçon de l’Efferalgan est nocive pour votre santé, pourquoi vous pensez que ces médicaments ne répondant à aucune norme vous serait bénéfique ? Les ivoiriens sont friands d’automédication et cela est un facteur propice à tout charlatan, vendeur de santé.

Ainsi, si après avoir lu tout ça, vous décidez quand même de vous soigner, et bien rendez-vous dans un centre de santé ! La solution est à portée de main.

Retrouvez toutes les sources des textes cités dans l’article sur le site de ka Direction de la Direction de la Pharmacie du Médicament et des Laboratoires en abrégé DPML et pour plus de détail, rendez-vous sur le site de la Direction de l’Informatique et de L’Information Sanitaire.

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